Stratégie européenne en matière d’hydrogène: stimuler davantage et moins réglementer
Dans un rapport, la Cour des comptes européenne se montre particulièrement sévère à l'égard de la stratégie européenne en matière d'hydrogène. Des objectifs irréalistes, des réglementations trop strictes et un financement fragmenté freinent le développement de l'économie européenne de l'hydrogène et menacent d'éroder davantage la compétitivité de l'industrie à forte intensité énergétique et des secteurs stratégiques tels que la chimie. essenscia, la fédération du secteur de la chimie et des sciences de la vie, approuve les conclusions du rapport et appelle depuis longtemps à plus de réalisme économique dans les plans relatifs à l'hydrogène. Le secteur de la chimie demande aux décideurs politiques d’inciter l'Europe à revoir en profondeur les objectifs relatifs à l'hydrogène vert.
Le secteur de la chimie est l'industrie par excellence qui produit déjà aujourd’hui- principalement en tant que sous-produit de certains processus de production - consomme et transporte de grands volumes d'hydrogène. Dans le cadre de la transition climatique, l'importance de l'hydrogène ne fera qu’augmenter, à la fois comme matière première et comme source d'énergie. Pourtant, la stratégie européenne actuelle en matière d'hydrogène ne tient pas suffisamment compte de paramètres économiques cruciaux et de la compétitivité internationale de l'industrie.
Les objectifs irréalistes et l'accent beaucoup trop étroit mis sur l'hydrogène vert produit à partir d'énergie solaire ou éolienne renouvelable sont les principales pierres d'achoppement. Plus précisément, la directive européenne RED III (directive sur les énergies renouvelables) stipule que d'ici 2030, 42 % de tout l'hydrogène utilisé dans l'industrie devrait être de l'hydrogène vert. D'ici 2035, l'objectif est même de 65 %. Ce qui a un impact énorme sur le secteur de la chimie.
Coûts élevés, réglementations strictes
Parvenir à construire toutes les infrastructures et augmenter la production ou les importations à ce point dans un délai de 5 à 10 ans relève de l'utopie pure et simple. Des études montrent que la demande industrielle d'hydrogène n'augmentera de manière significative qu'après 2030. En outre, le prix de revient de l'hydrogène vert est 6 à 8 fois plus élevé que celui de l'hydrogène actuel. En l'absence d'un cadre budgétaire pour soutenir les secteurs industriels qui utilisent déjà l'hydrogène et opèrent sur un marché international, il y a donc un réel danger que les investissements soient stoppés ou se fassent en dehors de l'Europe.
Les règles relatives à l'hydrogène vert sont également beaucoup trop strictes et il est pratiquement impossible de s'y conformer d'un point de vue technique. Par exemple, l'introduction d'énergie renouvelable provenant d'autres pays pour la production d'hydrogène fait l'objet de restrictions sévères. Or, une étude d'impact de la Commission européenne montre que la Belgique ne dispose pas d'un potentiel suffisant de production d'énergie renouvelable pour l'hydrogène vert, alors que les besoins en hydrogène de l'industrie sont élevés dans notre pays. Il serait donc plus logique, d'un point de vue économique, d'opter pour toutes les formes d'hydrogène à faible teneur en carbone, par exemple à base d'énergie nucléaire ou de gaz naturel avec capture du CO2. Pourtant, l'Europe ne le permet pas.
Le secteur de la chimie demande donc plus de réalisme et des politiques qui soutiennent et encouragent efficacement l'économie de l'hydrogène. Quatre éléments sont essentiels à cet égard : des objectifs et des calendriers réalistes qui tiennent compte de la compétitivité de l'industrie dans un contexte mondial, des règles plus souples pour la production d'hydrogène vert, une approche technologiquement neutre qui reconnaisse toutes les formes d'hydrogène à faible teneur en carbone, et un cadre de financement clair au niveau européen pour traiter la différence de prix entre l'hydrogène actuel et l'hydrogène respectueux du climat afin d'éviter un handicap concurrentiel supplémentaire par rapport aux autres continents.
Yves Verschueren, administrateur délégué d’essenscia : « L'Europe veut être plus verte que verte dans l'histoire de l'hydrogène. Les réglementations beaucoup trop strictes et parfois kafkaïennes entravent le développement de l'économie de l'hydrogène au lieu de le stimuler. Il est bon qu'une institution de premier plan comme la Cour des comptes européenne en vienne maintenant à cette conclusion. Le secteur de la chimie est l'industrie de l'hydrogène : nous le fabriquons et l'utilisons. Dans tous les scénarios climatiques, l'hydrogène joue un rôle important en tant que matière première ou vecteur énergétique. Nous comptons donc sur la volonté politique pour parvenir à plus de réalisme dans les calendriers et les objectifs, à plus de flexibilité pour permettre toutes les formes d'hydrogène à faible teneur en carbone et à plus de clarté sur les mécanismes de financement. En bref : encourager davantage, réglementer moins. »